Les services secrets marocains en action
le Maroc a-t-il les moyens nécessaires d'autodéfense face à la mondialisation de la violence intégriste. Un dispositif qui converge vers un mot magique, objet de crainte et de fantasmes, de mystères et de mythes: le renseignement.
Le doute n'est plus permis, le Maroc est directement concerné par le terrorisme international. Base de repli, sphère d'endoctrinement et de recrutement, terrain où s'élaborent des projets d'actions terroristes proches ou lointains, peu importe. Le fait est que depuis les attentats du 11 septembre 2001, les informations en provenance d'Afghanistan, puis de Guantanamo où sont rassemblés des captifs talibans, charrient régulièrement des noms d'intégristes marocains impliqués dans la croisade sanglante de Ben Laden.Ils seraient dix-huit Marocains, parmi les six cents prisonniers sur la base cubaine transformée en immense camp de concentration à ciel ouvert et tout en barbelés. Piétaille de fusillers ou commissaires religieux, dix-huit c'est à la fois peu et beaucoup.Toujours est-il que la toute dernière de ces informations est non seulement la meilleure, mais la plus inquiétante.
Spectre
Il s'appelle Abdellah Tabarak. Il est marocain. Il a été arrêté lors de l'attaque américaine contre les montagnes de Tora-Bora, dernier carré de résistance des Talibans. Garde du corps de Ben Laden, il est présenté comme l'homme qui a permis à celui-ci d'échapper à la gigantesque souricière tendue par l'armée et les services américains, après que l'homme de confiance ait couvert jusqu'au bout la fuite de son chef spirituel.Son rôle décisif dans l'éclipse énigmatique du milliardaire saoudien a été récemment révélé par le Washington Post et Seattle Times.On y apprend que la véritable fonction de Abdallah Tabarak n'a été dévoilée qu'après interrogatoire par les agents des services secrets marocains qui ont spécialement fait le déplacement à Guantanamo. Spectaculaire, sensationnel, rocambolesque, mais édifiant.Sont surtout édifiés ceux qui avaient encore quelques faux scrupules sur la réalité du danger intégriste, allant jusqu'à considérer les opérations d'interception sécuritaire comme de l'intox policière à partir de montages fictifs et pour des objectifs électoraux. Sont également appelés à quitter leur nuage béatifiant, ceux qui ergotaient sur une impossible contagion intégriste, à partir d'une construction intellectuelle baptisée “l'exception marocaine". Cette position esthétique est battue en brèche.Car, si l'on ajoute à l'odyssée de Tabarak l'épisode de la cellule dormante d'Al Qaïda, les gesticulations parfois meurtrières de la Salafia al Jihadia, et pas plus tard que le jeudi 23 janvier 2003, l'arrestation, en Italie de cinq Marocains munis d'explosifs prêts à servir. On en déduit, effectivement, que le Maroc se trouve bel et bien dans le spectre du terrorisme mondial.
“Atouts!”
Il n'y a pas péril en la demeure, loin s'en faut, mais les indicateurs sont alarmants. Pour éviter de basculer dans la psychose, on pourrait se rassurer en estimant qu'il ne pouvait en être autrement, de par notre proximité par rapport à l'Occident européen, à la pointe extrême du monde arabo-islamique; de par aussi une grande liberté de circulation des biens et des personnes, étrangers compris et étrangers surtout.N'empêche que ces facteurs-là sont précisément autant “d'atouts" de fragilisation pour des professionnels, comme pour des apprentis intégristes.On en arrive légitimement à se demander si le Maroc a les moyens nécessaires d'autodéfense que lui imposent sa position géographique et sa vocation de pays ouvert sur le monde.
Chevauchement
Des moyens en structures spécialisées, en compétences humaines et en budget de financement. Un dispositif qui converge vers un mot magique, objet de craintes et de fantasmes, de mystères et de mythes: le renseignement.Le renseignement pour se pémunier, le renseignement pour prévenir, le renseignement pour anticiper, le renseignement pour contre-carrer; bref, le renseignement comme outil de sécurisation du territoire et de la population. Mais aussi le renseignement dans ses nouvelles dimensions économiques, scientifiques et technologiques; des dimensions qui rompent avec l'ancienne conception, exclusivement politique. Les structures spécialisées, le Maroc en a toujours eu. À en faire la liste exhaustive, on se demande même s'il n'y a pas quelques redondances de prérogatives, quelques chevauchements de prérogatives et quelques conflits objectifs de compétence. Entre la DST (Défense et surveillance du territoire); la DGED (Direction générale des études et de la documentation); les RG (Renseignements généraux) de la sûreté nationale et ceux de la gendarmerie royale; les 2ème et 5ème bureaux des Forces Armées Royales, la toile sécuritaire n'est pas seulement complète, elle peut paraître touffue et difficilement discernable.D'aucuns diraient tentaculaire, envahissante, tant le Maroc passait pour “un pays fliqué", à quadrillage policier de “grande proximité"! À tel point que le Maroc était devenu dispensateur de “savoir-faire" sécuritaire auprès de pays d'Afrique et du Moyen Orient.
Éthique
Les sollicitations persistent, mais les temps ont changé et l'ancien “savoir-faire", frappé de péremption pour “droits d'homisme", a dû être actualisé, revu et corrigé, toujours sous les mêmes sigles.Toutes ces administrations, un peu spéciales par nature, sont dirigées par des militaires, à l'exception des services de renseignements de la sûreté nationale qui relèvent d'un patron civil, Abdelhafid Ben Hachem, comme premier responsable. Pour les autres, ce sont les généraux Ahmed Harchi, Hamidou Laânigri, Ahrouch Ben Ali et Belbachir, qui officient, respectivement à la tête de la DGED, de la DST, des 2ème et 5ème bureaux. Le ministre délégué à l’Intérieur, Fouad Ali El Himma, est, lui, la personne chargée de la coordination entre certains services de sécurité. Pas tous.Qu'elles opèrent sur le territoire national ou à l'extérieur, tous ces services font du renseignement leur ressource première et leur principal matériau de travail.Tous ont pour mission la sauvegarde de la sécurité intérieure et extérieure du pays et la protection de son patrimoine économique. Y a-t-il double emploi entre tous ces services qui portent bien leurs noms, ou bien existe-t-il une coordination secrète par définition?Quel est le cursus de formation des hommes qui y travaillent? Ont-ils la maîtrise des nouvelles technologies de l'information et disposent-ils de l'équipement qui va avec? Étant des corps constitués de militaires et de para-militaires, représentants des pouvoirs régaliens de l'État, dérogeant aux statuts, lois et règlements de la fonction publique, ont-ils, ces soldats de l'ombre, un système de valeurs professionnelles, un référentiel d'éthique sociale, des conditions adéquates de travail et d'existence?Il y a quelques années encore, il était impossible de poser ce genre de questions, encore moins de trouver matière à y répondre. Les services secrets, encore plus que leur nom l'indique, appartenaient à un monde occulte qui inspirait la peur; un univers virtuel dont on savait l'existence, mais qu'il valait mieux ne pas évoquer, même pas de bouche à oreille, car aucune oreille n'était fiable.C'est que ces services, dans leur immense déploiement interne et externe, étaient braqués sur des nationaux, opposants par conviction politique et par principe idéologique. Ils en avaient fait une priorité, presque un “centre d'intérêt" exclusif. La guerre froide qui régentait le monde, entre marxisme révolutionnaire, occidentalisme libéral et baâthisme arabe, avait des relents très chaud au Maroc. Ce sont les années de plomb, avec leur cortège dramatique et leurs cicatrices par encore refermées.
Danger
À quoi a-t-on échappé, au prix de quels dérapages et qu'avons-nous eu en échange? L'interrogation reste ouverte. L'important est qu'elle se fait aujourd'hui à livre ouvert, librement et publiquement. C'est cela qui a changé, au Maroc comme un peu partout dans le monde.On peut donc parler des services secrets et du recentrage de leur mission par rapport aux nouvelles réalités nationales et internationales. La réconciliation entre l'État et la société, inaugurée en 1994 avec l'amnistie générale et le retour des exilés politiques, l'institutionnalisation des droits de l'Homme et l'extension des espaces de libertés, ne pouvaient pas ne pas déteindre positivement sur la mentalité et les méthodes des services.Ce qui empêche une évolution rapide dans ce sens, ce n'est rien d'autre que le danger intégriste.Il a été dit et écrit que les services marocains, face aux activistes intégristes, au Maroc ou à Guantanamo, sont plus “efficaces" à l'interrogatoire. Une manière de dire que nos agents secrets, face aux talibans marocains, soutirent les aveux en même temps que les ongles et quelques bouts d'orteils. À vérifier.
Exterminateurs
S'il y a avait obligation de s'intéresser à nos barbus internationalistes et à leurs éventuelles ramifications au Maroc, pour la sécurité du pays et de ses citoyens, rien ne justifie, par contre, l'atteinte à l'intégrité physique d'une personne, ou que la torture remplace les procédures judiciaires universellement reconnues.Mais il y a, malgré cette pétition de principe, un problème. En fait, il y en a trois. Un: L'enfermement des milices armées de Ben Laden dans une sorte de no man's land et sans autre forme de procès prévisible, est une situation de non droit. Deux: Les Américains les premiers se rappellent que leurs GI's ont été des anges exterminateurs au Vietnam où ils ont commis des atrocités assimilables à des crimes contre l'humanité. Trois, et cela nous concerne particulièrement: Lorsque vous êtes face à un barbu illuminé, décidé à provoquer la première étincelle pour sonner le réveil de ses réseaux dormants et mettre le pays à feu et à sang; vous faites quoi? Vous discutez avec lui sur les significations métaphysiques du bien et du mal, ou vous le neutralisez. “Généralement", les services, au Maroc, comme partout ailleurs, optent pour la deuxième alternative.S'il y a dépassement du droit, la démocratie, du haut de toutes ses fragilités intrinsèques et salutaires, permet aux défenseurs des droits de l'Homme toutes les formes de dénonciation et d'intervention.Dans le Maroc d'aujourd'hui, les services secrets ne sont plus ce tabou qui relève d'un pouvoir discrétionnaire transcendantal. Certains patrons de ces services sont même beaucoup moins secrets que leurs prédécesseurs qui étaient, eux, complètement immatériels. Ils n'avaient ni visages reconnaissables, ni photos publiables. On avance donc.
Mal
On peut même espérer avoir, dans la foulée, et une police citoyenne et des services citoyens. Mais il y a tout de même des limites au rêve éveillé de type cité idéale. La nature humaine ne s'y prête pas beaucoup. La citoyenneté des services, y compris dans les sociétés démocratiquement avancées, est un peu spéciale. Par la force des choses, pourrait-on dire.Aussi, ces services sont-ils perçus, comme le souligne le chef de la DGSE française (voir interview page 7) comme “un mal nécessaire". “Mal" pour qui, et “nécessaire" pour quoi? Deux mots pour deux extrêmes où s'intercalent les services.Sans verser dans le machiavélisme éclectique et intéressé de George Bush et ses “axes du mal", disons simplement que s'il y a une “nécessité", c'est qu'il y a un “mal" quelque part. Parlons clairement. L'obscurantisme intégriste, violent et régressif, est un “mal". Nous y sommes exposés et nous voulons nous en prémunir. Mais l'arrogance américaine et son appui systématique à la barbarie sioniste est un autre “mal" que nous ne pouvons admettre. Nous sommes, nous autres arabo-islamo-marocains, pris entre les deux. Un équilibrisme pas facile. Un équilibrisme que les politiques et la société civile, mais aussi les services secrets, qui sont, eux, en position avancée, doivent gérer
La DST, surveillance à trois étages
Taeïb Chadi
Après le démantèlement du CAB 1 en 1972, la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST), communément connue sous le sigle de la DST, a été créée le 12 janvier 1973 par un dahir portant loi n° 1-73-10. La DST est rattachée au ministère de l’Intérieur. Ella a pour mission de: «veiller à la sauvegarde et à la protection de la sûreté de l’Etat et de ses institutions». La DST est placée sous l’autorité d’un directeur général. Elle comprend, en plus du cabinet du directeur, des services centraux et des brigades territoriales. Le décret d’application signé par Ahmed Osman fixe les attributions de cette administration. Ainsi, la DST a-t-elle pour compétence la recherche et la prévention, sur le territoire du Royaume, «des activités inspirées, engagées ou soutenues par des puissances étrangères et de nature à menacer la sécurité du pays», et plus généralement, de lutter contre ces activités. Concrètement, la mission de la DST est de trois types: contre-espionnage, contre-terrorisme, protection du patrimoine économique et scientifique.
Écoutes
Les résultats de ses investigations sont tenus rigoureusement secrets. la DST possède son propre service d'écoutes radio, la PCR (Police des Communications Radioéléctriques), chargé de fournir aux départements concernés des rapports de toutes natures sur les communications nationales et internationales.Placé sous la tutelle administrative du ministre de l’Intérieur, la DST est une direction active de la sûreté nationale comprenant des fonctionnaires appartenant à tous les corps de la police (commissaires, officiers, brigadiers et gardiens). L’organisation et le fonctionnement de ses services sont couverts par la classification du secret-défense. Son quartier-général est situé à Témara. Ses brigades territoriales sont implantées dans chaque province, chaque préfecture, chaque wilaya. Ses 8500 agents sont bien installés dans les ministères, préfectures, aéroports, hôtels et clubs privés.Le patron actuel de la DST est le général de division Hamidou Lâanigri, nommé en 1999. Il a succédé à Driss Basri qui avait toujours supervisé ce département à partir de son fauteuil de super ministre de l’Intérieur, avec, comme directeur adjoint, Abdelaziz Allabouch.
La DGED, toutes voiles dehors
La direction générale d’études et de documentation ( DGED). est officiellement chargée de «participer au maintien de la sécurité de l’Etat et de ses institutions». Elle comprend un cabinet du directeur général, une administration centrale et des représentations extérieures. Les attributions de la DGED sont fixées par le chef d’état-major général des Forces armées royales. C’est lui qui définit, également, le statut particulier des personnels de cette administration. L’image de la DGED auprès des Marocains a été toujours ténébreuse, terrible, voire mythique.C’est pour cela qu’il faut distinguer la réalité du métier d'agent de renseignements des clichés éculés sur des surhommes pilotant un avion de chasse en smoking. Autant dire que les personnages des films à la James Bond en prennent pour leur grade.La DGED emploierait 1600 civils et 2400 militaires, dont 5 % de femmes. La moyenne d'âge est de 43 ans. A ces effectifs, il faut ajouter les redoutables membres du «service Action», ces soldats invisibles, entraînés à ne pas se faire remarquer ou identifier.
Discrétion
Leur nombre n'est pas précisé : ils seraient entre 250 et 300, affectés à des missions de renseignement, d'assistance à des pays ou à des mouvements amis, et, pour finir, à des actions de reconnaissance, d'identification et de marquage d'objectifs de toute nature.Il ne s'agit pas forcément d'actions brutales, violentes ou sanglantes. La DGED s'est investie en Afrique, dans le monde arabe, en Europe ainsi qu'en Asie.Depuis quelques années, elle se veut plus active dans les zones de crise. En ayant recours au renseignement humain, technique, opérationnel ou à la coopération avec d'autres services, nationaux et étrangers.Des fonds alloués à la DGED par l’administration de la Défense, on ne saura rien. Mais on parle d’un budget officiel de 10 milliards de dirhams.Car la fameuse caisse noire de la DGED relève de la discrétion de son patron, le général de brigade Ahmed Harchi, lui-même connu pour son naturel réservé.
vendredi 3 avril 2009
mardi 18 décembre 2007
Espionnes marocaines du Mossad
Les services secrets israéliens recrutent leurs agents parmis des Marocaines, particulièrement douées et efficaces.
Teint doré, petite coupe à la garçonne, look exotic-chic, yeux pétillants, regard charmeur, démarche gracieuse et élocution parfaite. Sous ses airs légers et désinvoltes de métropolitaine bien dans sa peau, Nabila F., la quarantaine épanouie, cache remarquablement son jeu. Nabila est, comme on l'appelle dans le jargon du renseignement, un officier traitant. C'est ce qui ressort des révélations d'une certaine Jocelyne Baini, sur le site www.doubtcom.com.Polyglotte, instruite, intelligente, perspicace et discrète, c'est l'une des recrues étrangères hautement opérationnelle d'une des plus puissantes agences de renseignement dans le monde, le Mossad israélien. Chargé, à côté du Shabak (ex Shin Bet, sécurité générale intérieure) et de l'Aman (renseignement militaire), de la sécurité extérieure (renseignement, opérations clandestines et lutte anti-terroriste). Nabila chapeaute un réseau de 12 agents secrets en jupons, toutes Marocaines comme elle, dont sa sœur, engagée à l'âge de 12 ans. Repérée en décembre 2001 par le «sayan» Albert M., un agent dormant du Mossad établi au Maroc, dans une soirée mondaine à Casablanca, celui-ci lui présentera quelques mois plus tard à Paris, Joseph B., chasseur de têtes pour les services secrets israéliens. Nabila, diplômée en sciences politiques et en langues étrangères, hésitante au début, finira par accepter de travailler comme «katsa». Autrement dit, comme officier de renseignement, pour le compte de l'Institut pour les renseignements et les affaires spéciales, moyennant une rémunération initiale alléchante de 70.000 euros par an. Mais pas seulement. Car, en plus d'un salaire fixe, elle s'est vu proposer, comme nombre d'agents secrets, d'autres émoluments et avantages en nature: prime pour certaines opérations à risque élevé, passeports de plusieurs pays occidentaux, voiture et appartement personnel dans une métropole de son choix, ouverture d'un compte bancaire en Suisse, quelques bijoux précieux et vacances annuelles vers sa destination préférée. Et, bien sûr, augmentation de salaire avec l'expérience et les années passées au service de l'agence. Tous les ingrédients de la motivation étaient là. Tests psychologiques, entraînement au combat, à la filature, à la résistance à la torture, maniement des armes légères, perfectionnement en informatique, cours de linguistique… Nabila suit une formation intensive et pointue en espionnage pendant plusieurs mois dans la région de Haïfa. Jonglant avec les passeports et les identités. Imitant à merveille les multiples accents orientaux. Au gré des missions, elle est tour à tour journaliste marocaine, beurette bénévole dans l'humanitaire, enseignante tunisienne d'arabe classique. Comédienne belge d'origine libanaise, assistante de direction libyenne. Ou encore organisatrice émiratie d'événements artistiques. Nabila apprend vite et fait montre d'une telle efficacité qu'elle se voit à son tour confier le recrutement de nouveaux agents féminins. Nous sommes en 2003. Meir Dagan poursuit alors la politique d'ouverture du Mossad, entamée en l'an 2000, sous la direction d'Ephraïm Halevy (1998-2002), alors que la seconde Intifada battait son plein. Et que la communauté internationale dénonçait massivement les exactions croissantes de l'Etat hébreu contre le peuple et les dirigeants palestiniens. Plus que jamais, Israël a besoin d'être informé de tout ce qui peut, de près ou de loin, attenter à son existence, sa sécurité ou sa pérennité. Le Mossad s'essaie même au recrutement en ligne (www.mossad.gov.il). Les attentats du 11 septembre 2001 finissent de convaincre l'Institut (créé initialement en 1951 sous David Ben Gourion pour faciliter l'Aliyah, le retour vers le jeune Israël né en mai 1948) de la priorité de renforcer ses antennes périphériques. Notamment et surtout dans les nations et auprès des faiseurs d'opinion (hommes et institutions) et des centres de décision politico-économiques arabes et musulmans. Le mieux est d'embaucher des gens du cru, des autochtones. Et, pourquoi pas, des femmes. Enrôlées de gré (en échange de contreparties conséquentes) ou, comme le prétend Nima Zamar, dans Je devais aussi tuer ( Albin Michel, 2003), de force (chantage, viol, menaces…). Attirant peu les soupçons et les méfiances, le “sexe faible” dispose en plus d'un arsenal inné redoutable. Enveloppe charnelle qui s'avère parfois plus efficace et plus pointue que n'importe quel équipement d'artillerie lourde. Oeillades suggestives, balconnet plongeant, danse lascive, paroles coquines, alcool et autres paradis artificiels aidant, et voilà, à l'usure, le plus récalcitrant des hommes dans vos filets, le corps en feu et la langue déliée. Autant de “bombes anatomiques au service des Services” à dissimuler et disperser ici et là, en fonction des besoins et des missions du moment. Mordechaï Vanunu. Aujourd'hui basé à Tel-Aviv, le Mossad emploierait quelque 1.500 personnes depuis ses quartiers généraux, dont près de 20% de femmes. L'Institut s'est déjà, par le passé, assuré de l'efficacité de ses agents féminins, dont certaines ont réussi d'admirables faits d'armes. Parmi les plus célèbres des James Bond girls du Mossad, Cindy, de son vrai nom Cheryl Hanin Bentov. Cette dernière est parvenue à piéger Mordechaï Vanunu, israélien d'origine marocaine converti au christianisme, et ancien technicien à la centrale nucléaire de Dimona (construite au début des années 60 dans le désert du Neguev). Celui-ci avait révélé au Sunday Times, le célère quotidien britannique, l'existence d'ogives nucléaires dans les sous-sols de la même centrale. Pour avoir accepté, le 30 septembre 1986, l'invitation à Rome de cette belle plante croisée dans une rue londonienne, Mordechaï Vanunu, traître pour les uns, héros pour les autres, se retrouvera, drogué, kidnappé puis expédié clandestinement en bateau vers Israël. Avant d'être incarcéré pendant 18 ans à la prison de Shikma, près d'Ashkelon. Ephraim Halevy. Autre preuve de la place grandissante de la gent féminine au cœur des services secrets israéliens, sous Shabtai Shavit (1990-1996), le numéro deux du Mossad n'était autre qu'une femme, Aliza Magen. Ceci étant, quelles femmes s'allier dans le monde arabo-musulman?Au sein de ce dernier, Israël connaît bien le Maroc (voir encadré). Et sait aussi que les Marocaines peuvent faire preuve d'une détermination et d'une efficience étonnantes dans les causes qui leur tiennent à cœur. Qui ne se souvient pas des sacrifices consentis pour la cause palestinienne et l'identité arabe (5 ans dans les geôles israéliennes, 7 ans de guerre civile au Liban) par les sœurs Rita et Nadia Bradley? Mais comment faire pencher la balance de son côté? En y mettant le prix fort, les services secrets israéliens parient qu'ils pourront au moins s'adjoindre la coopération précieuse de quelques-unes d'entre elles, fut-elle ponctuelle. C'est ainsi que l'agent Nabila, désormais chasseuse de tête et formatrice, voit sa prime grimper. Elle rentre un certain temps au Maroc. Histoire de repérer des filles du pays correspondant au plus près aux critères exigés par les services d'espionnage israéliens. Elle en cueille une dizaine, jeunes, jolies et coquettes, de milieux socio-culturels différents. Parmi lesquelles Widad, Asmae, Majdouline, Noura, Laïla, Hanane, Siham ou encore Nawal et Karima. Argent, alcool, sexe, drogue? Certains agents recruteurs s'adressent aux réseaux de trafic humain, comme c'est le cas d'après les témoignages de repenties, de mineures russes vendues parfois par leurs propres parents à la mafia locale. Avant d'être exploitées par le crime organisé au Moyen-Orient et ailleurs puis forcées à collaborer avec le Mossad. Nabila, elle, a ses propres procédés. Elle détecte les faiblesses des unes et des autres, leur faisant miroiter mille et une promesses en échange de leur collaboration. Certaines rêvent d'une vie luxueuse, d'argent facile et d'horizons cléments. D'autres ne demandent qu'une petite aide pour leur famille démunie ou espèrent rencontrer un étranger qui leur assurerait une existence décente. Quelques-unes contractent sans le savoir des mariages de complaisance (zawaj orfi) avec des ressortissants des monarchies pétrolières, avant de se rendre compte, une fois sur place, du véritable but de leur venue. Avec sérieux et discipline, Nabila enseigne à ses protégées, les rudiments de la parfaite petite espionne: se fondre dans la masse, faire preuve d'empathie, tout en restant réservée et vague sur sa personne. Quitte à s'inventer un tout autre vécu pour brouiller les pistes. En parallèle, les jeunes mercenaires affûtent leurs armes de séduction: cours de culture générale, de maintien et de bonnes manières, séances de perfectionnement en cuisine et en danse orientale, diètes amincissantes, shopping dans des enseignes de luxe…Les voilà fin prêtes. De Casablanca à Damas, en passant par Bagdad, le Caire, Washington, Paris et Nairobi, Nabila et son staff se lancent dans des missions plus ou moins périlleuses, chacune sous une couverture différente. Les moins instruites sont affectées à des postes de domestiques, de filles au pair ou de masseuses. Les plus agiles et les plus jolies embauchées comme danseuses dans des boîtes de nuit huppées, tandis que les plus futées sont introduites dans des ONG internationales. Les cibles de ces Mata Hari en herbe sont claires: députés, diplomates, ministres, activistes, hommes d'affaires, magistrats. Hauts gradés de la police, de l'armée et de la gendarmerie. Ou encore journalistes influents et experts en géostratégie ou en terrorisme (entre autres) exerçant dans les pays arabes et limitrophes ou en dehors. Les objectifs aussi sont bien définis: obtenir des renseignements auprès de ces notables -à leur insu ou par chantage- sur leurs positions (et leur degré d'implication idéologique et matérielle), entre autres, quant à l'Etat hébreu et sa politique. Ses relations avec les pays arabo-musulmans, la situation au Proche et au Moyen-Orient, la légitimité des régimes arabes actuels auprès de leurs populations. Ou encore leur opinion par rapport à la montée de l'islamisme dans le monde. Autant d'informations précieuses qui aideront par la suite la division Recherche et Etudes du Mossad (l'un de ses 8 départements) à rédiger ses rapports, remis au final au Premier ministre en personne. Noura, Hanane et Majdouline sont ainsi chargées d'impliquer d'influentes personnalités américaines d'origine arabe, antisionistes, dans des scandales sexuels, en prenant soin de filmer leurs ébats avec ces derniers. Siham, pour sa part, se voit confier la fonction de fournisseur attitré de stupéfiants pour l'équipe. Tandis qu'Asmae, avec quatre de ses acolytes, décroche un job dans un club de nuit à Beyrouth fréquenté par des fonctionnaires hauts placés. Avec ses amies, elles réussissent à approcher Georges Frem (mort en 2006), député et ministre de l'Industrie au sein du gouvernement Hariri. Asmae entre également en contact à Chypre avec un Israélien dénommé Berel et un Syrien, Marwan. Ces deux hommes la chargent avec Yakatserina Shasternick, originaire de la ville de Minsk (Biélorussie), de dénicher de jolies filles pour animer des dîners à l'Hôtel Phoenicia de Beyrouth. Un établissement réputé depuis des décennies, comme un lieu de rencontre pour des trafiquants d'armes et des agents secrets du monde entier. Karima, jeune casablancaise de confession hébraïque, s'occupe pour sa part de la filature d'un citoyen arabo-américain proche de l'administration Bush à Washington. Lors de sa dernière mission, Nabila devait pour sa part séduire de riches businessmen américains d'origine arabe, défenseurs avoués du processus de paix en Palestine, et vérifier si ceux-ci l'étaient effectivement. Il est aussi arrivé à la jeune Marocaine, assistée de certaines de ses consoeurs d'Europe Centrale, d'Asie ou d'Afrique de l'Ouest, de collaborer avec la CIA dans le cadre d'opérations communes. Ou avec d'autres services secrets de pays amis d'Israël ou n'ayant pas de contacts normalisés avec l'Etat hébreu. Nabila travaillera-t-elle un jour avec la division des opérations spéciales du Mossad, connue sous le nom Action, l'unité chargée des éliminations physiques de cibles sensibles, des opérations paramilitaires et de sabotage? Certains services secrets soupçonnent en tout cas ce petit bout de femme d'avoir fait partie, alors qu'elle officiait aux Emirats Arabes Unis, du même groupe d'agents turcs et saoudiens, auteurs présumés du meurtre et de la mutilation, le 24 septembre 1980, du journaliste libanais pro-indépendantiste (de la revue Al Hawadess)et anti-syrien, Salim el Laouzi. Nabila n'est pas dupe. Elle sait qu'elle risque sa vie avec ce métier de l'ombre dont elle a peur de ne plus pouvoir se passer. Et que ses recruteurs ne viendront pas à sa rescousse si elle tombe dans les filets de leurs ennemis. Mata Hari n'a-t-elle pas été fusillée par la France en 1917, cette nation même pour laquelle elle se disait espionne? Et, le 18 mai 1965, Kamil Amin Tabet, l'agent israélien Elie Cohen, n'a-t-il pas été pendu sur la place publique à Damas? Et que dire des ratés de plus en plus fréquents du Mossad, sachant que, à titre d'exemple, pour la seule année 1996, les Egyptiens ont démantelé 7 réseaux d'espionnage israéliens… contre 20 pour les 15 années précédentes? Jusqu'où Nabila et ses collègues seraient-elles prêtes à aller? Une chose est sûre: fichées par Interpol et de nombreux services secrets à travers le monde, Nabila F. et sa douzaine de collaboratrices, se sont aujourd'hui, évaporées dans la nature. Envolées vers d'autres cieux, repenties ou... en quête d'autres proies?
Teint doré, petite coupe à la garçonne, look exotic-chic, yeux pétillants, regard charmeur, démarche gracieuse et élocution parfaite. Sous ses airs légers et désinvoltes de métropolitaine bien dans sa peau, Nabila F., la quarantaine épanouie, cache remarquablement son jeu. Nabila est, comme on l'appelle dans le jargon du renseignement, un officier traitant. C'est ce qui ressort des révélations d'une certaine Jocelyne Baini, sur le site www.doubtcom.com.Polyglotte, instruite, intelligente, perspicace et discrète, c'est l'une des recrues étrangères hautement opérationnelle d'une des plus puissantes agences de renseignement dans le monde, le Mossad israélien. Chargé, à côté du Shabak (ex Shin Bet, sécurité générale intérieure) et de l'Aman (renseignement militaire), de la sécurité extérieure (renseignement, opérations clandestines et lutte anti-terroriste). Nabila chapeaute un réseau de 12 agents secrets en jupons, toutes Marocaines comme elle, dont sa sœur, engagée à l'âge de 12 ans. Repérée en décembre 2001 par le «sayan» Albert M., un agent dormant du Mossad établi au Maroc, dans une soirée mondaine à Casablanca, celui-ci lui présentera quelques mois plus tard à Paris, Joseph B., chasseur de têtes pour les services secrets israéliens. Nabila, diplômée en sciences politiques et en langues étrangères, hésitante au début, finira par accepter de travailler comme «katsa». Autrement dit, comme officier de renseignement, pour le compte de l'Institut pour les renseignements et les affaires spéciales, moyennant une rémunération initiale alléchante de 70.000 euros par an. Mais pas seulement. Car, en plus d'un salaire fixe, elle s'est vu proposer, comme nombre d'agents secrets, d'autres émoluments et avantages en nature: prime pour certaines opérations à risque élevé, passeports de plusieurs pays occidentaux, voiture et appartement personnel dans une métropole de son choix, ouverture d'un compte bancaire en Suisse, quelques bijoux précieux et vacances annuelles vers sa destination préférée. Et, bien sûr, augmentation de salaire avec l'expérience et les années passées au service de l'agence. Tous les ingrédients de la motivation étaient là. Tests psychologiques, entraînement au combat, à la filature, à la résistance à la torture, maniement des armes légères, perfectionnement en informatique, cours de linguistique… Nabila suit une formation intensive et pointue en espionnage pendant plusieurs mois dans la région de Haïfa. Jonglant avec les passeports et les identités. Imitant à merveille les multiples accents orientaux. Au gré des missions, elle est tour à tour journaliste marocaine, beurette bénévole dans l'humanitaire, enseignante tunisienne d'arabe classique. Comédienne belge d'origine libanaise, assistante de direction libyenne. Ou encore organisatrice émiratie d'événements artistiques. Nabila apprend vite et fait montre d'une telle efficacité qu'elle se voit à son tour confier le recrutement de nouveaux agents féminins. Nous sommes en 2003. Meir Dagan poursuit alors la politique d'ouverture du Mossad, entamée en l'an 2000, sous la direction d'Ephraïm Halevy (1998-2002), alors que la seconde Intifada battait son plein. Et que la communauté internationale dénonçait massivement les exactions croissantes de l'Etat hébreu contre le peuple et les dirigeants palestiniens. Plus que jamais, Israël a besoin d'être informé de tout ce qui peut, de près ou de loin, attenter à son existence, sa sécurité ou sa pérennité. Le Mossad s'essaie même au recrutement en ligne (www.mossad.gov.il). Les attentats du 11 septembre 2001 finissent de convaincre l'Institut (créé initialement en 1951 sous David Ben Gourion pour faciliter l'Aliyah, le retour vers le jeune Israël né en mai 1948) de la priorité de renforcer ses antennes périphériques. Notamment et surtout dans les nations et auprès des faiseurs d'opinion (hommes et institutions) et des centres de décision politico-économiques arabes et musulmans. Le mieux est d'embaucher des gens du cru, des autochtones. Et, pourquoi pas, des femmes. Enrôlées de gré (en échange de contreparties conséquentes) ou, comme le prétend Nima Zamar, dans Je devais aussi tuer ( Albin Michel, 2003), de force (chantage, viol, menaces…). Attirant peu les soupçons et les méfiances, le “sexe faible” dispose en plus d'un arsenal inné redoutable. Enveloppe charnelle qui s'avère parfois plus efficace et plus pointue que n'importe quel équipement d'artillerie lourde. Oeillades suggestives, balconnet plongeant, danse lascive, paroles coquines, alcool et autres paradis artificiels aidant, et voilà, à l'usure, le plus récalcitrant des hommes dans vos filets, le corps en feu et la langue déliée. Autant de “bombes anatomiques au service des Services” à dissimuler et disperser ici et là, en fonction des besoins et des missions du moment. Mordechaï Vanunu. Aujourd'hui basé à Tel-Aviv, le Mossad emploierait quelque 1.500 personnes depuis ses quartiers généraux, dont près de 20% de femmes. L'Institut s'est déjà, par le passé, assuré de l'efficacité de ses agents féminins, dont certaines ont réussi d'admirables faits d'armes. Parmi les plus célèbres des James Bond girls du Mossad, Cindy, de son vrai nom Cheryl Hanin Bentov. Cette dernière est parvenue à piéger Mordechaï Vanunu, israélien d'origine marocaine converti au christianisme, et ancien technicien à la centrale nucléaire de Dimona (construite au début des années 60 dans le désert du Neguev). Celui-ci avait révélé au Sunday Times, le célère quotidien britannique, l'existence d'ogives nucléaires dans les sous-sols de la même centrale. Pour avoir accepté, le 30 septembre 1986, l'invitation à Rome de cette belle plante croisée dans une rue londonienne, Mordechaï Vanunu, traître pour les uns, héros pour les autres, se retrouvera, drogué, kidnappé puis expédié clandestinement en bateau vers Israël. Avant d'être incarcéré pendant 18 ans à la prison de Shikma, près d'Ashkelon. Ephraim Halevy. Autre preuve de la place grandissante de la gent féminine au cœur des services secrets israéliens, sous Shabtai Shavit (1990-1996), le numéro deux du Mossad n'était autre qu'une femme, Aliza Magen. Ceci étant, quelles femmes s'allier dans le monde arabo-musulman?Au sein de ce dernier, Israël connaît bien le Maroc (voir encadré). Et sait aussi que les Marocaines peuvent faire preuve d'une détermination et d'une efficience étonnantes dans les causes qui leur tiennent à cœur. Qui ne se souvient pas des sacrifices consentis pour la cause palestinienne et l'identité arabe (5 ans dans les geôles israéliennes, 7 ans de guerre civile au Liban) par les sœurs Rita et Nadia Bradley? Mais comment faire pencher la balance de son côté? En y mettant le prix fort, les services secrets israéliens parient qu'ils pourront au moins s'adjoindre la coopération précieuse de quelques-unes d'entre elles, fut-elle ponctuelle. C'est ainsi que l'agent Nabila, désormais chasseuse de tête et formatrice, voit sa prime grimper. Elle rentre un certain temps au Maroc. Histoire de repérer des filles du pays correspondant au plus près aux critères exigés par les services d'espionnage israéliens. Elle en cueille une dizaine, jeunes, jolies et coquettes, de milieux socio-culturels différents. Parmi lesquelles Widad, Asmae, Majdouline, Noura, Laïla, Hanane, Siham ou encore Nawal et Karima. Argent, alcool, sexe, drogue? Certains agents recruteurs s'adressent aux réseaux de trafic humain, comme c'est le cas d'après les témoignages de repenties, de mineures russes vendues parfois par leurs propres parents à la mafia locale. Avant d'être exploitées par le crime organisé au Moyen-Orient et ailleurs puis forcées à collaborer avec le Mossad. Nabila, elle, a ses propres procédés. Elle détecte les faiblesses des unes et des autres, leur faisant miroiter mille et une promesses en échange de leur collaboration. Certaines rêvent d'une vie luxueuse, d'argent facile et d'horizons cléments. D'autres ne demandent qu'une petite aide pour leur famille démunie ou espèrent rencontrer un étranger qui leur assurerait une existence décente. Quelques-unes contractent sans le savoir des mariages de complaisance (zawaj orfi) avec des ressortissants des monarchies pétrolières, avant de se rendre compte, une fois sur place, du véritable but de leur venue. Avec sérieux et discipline, Nabila enseigne à ses protégées, les rudiments de la parfaite petite espionne: se fondre dans la masse, faire preuve d'empathie, tout en restant réservée et vague sur sa personne. Quitte à s'inventer un tout autre vécu pour brouiller les pistes. En parallèle, les jeunes mercenaires affûtent leurs armes de séduction: cours de culture générale, de maintien et de bonnes manières, séances de perfectionnement en cuisine et en danse orientale, diètes amincissantes, shopping dans des enseignes de luxe…Les voilà fin prêtes. De Casablanca à Damas, en passant par Bagdad, le Caire, Washington, Paris et Nairobi, Nabila et son staff se lancent dans des missions plus ou moins périlleuses, chacune sous une couverture différente. Les moins instruites sont affectées à des postes de domestiques, de filles au pair ou de masseuses. Les plus agiles et les plus jolies embauchées comme danseuses dans des boîtes de nuit huppées, tandis que les plus futées sont introduites dans des ONG internationales. Les cibles de ces Mata Hari en herbe sont claires: députés, diplomates, ministres, activistes, hommes d'affaires, magistrats. Hauts gradés de la police, de l'armée et de la gendarmerie. Ou encore journalistes influents et experts en géostratégie ou en terrorisme (entre autres) exerçant dans les pays arabes et limitrophes ou en dehors. Les objectifs aussi sont bien définis: obtenir des renseignements auprès de ces notables -à leur insu ou par chantage- sur leurs positions (et leur degré d'implication idéologique et matérielle), entre autres, quant à l'Etat hébreu et sa politique. Ses relations avec les pays arabo-musulmans, la situation au Proche et au Moyen-Orient, la légitimité des régimes arabes actuels auprès de leurs populations. Ou encore leur opinion par rapport à la montée de l'islamisme dans le monde. Autant d'informations précieuses qui aideront par la suite la division Recherche et Etudes du Mossad (l'un de ses 8 départements) à rédiger ses rapports, remis au final au Premier ministre en personne. Noura, Hanane et Majdouline sont ainsi chargées d'impliquer d'influentes personnalités américaines d'origine arabe, antisionistes, dans des scandales sexuels, en prenant soin de filmer leurs ébats avec ces derniers. Siham, pour sa part, se voit confier la fonction de fournisseur attitré de stupéfiants pour l'équipe. Tandis qu'Asmae, avec quatre de ses acolytes, décroche un job dans un club de nuit à Beyrouth fréquenté par des fonctionnaires hauts placés. Avec ses amies, elles réussissent à approcher Georges Frem (mort en 2006), député et ministre de l'Industrie au sein du gouvernement Hariri. Asmae entre également en contact à Chypre avec un Israélien dénommé Berel et un Syrien, Marwan. Ces deux hommes la chargent avec Yakatserina Shasternick, originaire de la ville de Minsk (Biélorussie), de dénicher de jolies filles pour animer des dîners à l'Hôtel Phoenicia de Beyrouth. Un établissement réputé depuis des décennies, comme un lieu de rencontre pour des trafiquants d'armes et des agents secrets du monde entier. Karima, jeune casablancaise de confession hébraïque, s'occupe pour sa part de la filature d'un citoyen arabo-américain proche de l'administration Bush à Washington. Lors de sa dernière mission, Nabila devait pour sa part séduire de riches businessmen américains d'origine arabe, défenseurs avoués du processus de paix en Palestine, et vérifier si ceux-ci l'étaient effectivement. Il est aussi arrivé à la jeune Marocaine, assistée de certaines de ses consoeurs d'Europe Centrale, d'Asie ou d'Afrique de l'Ouest, de collaborer avec la CIA dans le cadre d'opérations communes. Ou avec d'autres services secrets de pays amis d'Israël ou n'ayant pas de contacts normalisés avec l'Etat hébreu. Nabila travaillera-t-elle un jour avec la division des opérations spéciales du Mossad, connue sous le nom Action, l'unité chargée des éliminations physiques de cibles sensibles, des opérations paramilitaires et de sabotage? Certains services secrets soupçonnent en tout cas ce petit bout de femme d'avoir fait partie, alors qu'elle officiait aux Emirats Arabes Unis, du même groupe d'agents turcs et saoudiens, auteurs présumés du meurtre et de la mutilation, le 24 septembre 1980, du journaliste libanais pro-indépendantiste (de la revue Al Hawadess)et anti-syrien, Salim el Laouzi. Nabila n'est pas dupe. Elle sait qu'elle risque sa vie avec ce métier de l'ombre dont elle a peur de ne plus pouvoir se passer. Et que ses recruteurs ne viendront pas à sa rescousse si elle tombe dans les filets de leurs ennemis. Mata Hari n'a-t-elle pas été fusillée par la France en 1917, cette nation même pour laquelle elle se disait espionne? Et, le 18 mai 1965, Kamil Amin Tabet, l'agent israélien Elie Cohen, n'a-t-il pas été pendu sur la place publique à Damas? Et que dire des ratés de plus en plus fréquents du Mossad, sachant que, à titre d'exemple, pour la seule année 1996, les Egyptiens ont démantelé 7 réseaux d'espionnage israéliens… contre 20 pour les 15 années précédentes? Jusqu'où Nabila et ses collègues seraient-elles prêtes à aller? Une chose est sûre: fichées par Interpol et de nombreux services secrets à travers le monde, Nabila F. et sa douzaine de collaboratrices, se sont aujourd'hui, évaporées dans la nature. Envolées vers d'autres cieux, repenties ou... en quête d'autres proies?
mardi 11 décembre 2007
rafale vs F-16

Le Maroc avait vraiment l’intention d’acheter des avions de combat Rafale. Le roi l’avait clairement laissé entendre au président Jacques Chirac, et les industriels concernés, au premier rang desquels Dassault, avaient tendance à considérer que, le problème ayant été réglé au niveau politique, le marché était définitivement gagné (voir aussi pp. 86-87). Comme l’on sait, les Marocains ont finalement décidé d’acheter des F-16 américains. Que s’est-il passé ?
Pour certains, l’explication est simple : « c’est la faute à [Hervé] Morin ». En septembre, lors d’un colloque à Toulouse, le nouveau ministre français de la Défense avait en effet estimé que le Rafale était certes un avion « formidable », mais difficile à vendre. Tollé chez les industriels de l’armement et les spécialistes des questions de défense ! Chez Dassault, par exemple, on s’était déclaré « consterné ». Comme pour enfoncer le clou, Morin avait alors expliqué que les militaires français avaient un peu trop tendance à choisir des armes trop sophistiquées…
Il est vrai qu’il peut sembler suicidaire de reconnaître les difficultés d’exportation du Rafale au moment où les négociations avec le Maroc étaient, croyait-on, sur le point d’aboutir. Si Morin l’a fait c’est, sans nul doute, qu’il savait déjà que le projet était moribond, sinon mort et enterré. A-t-il tenté de dédouaner le président Nicolas Sarkozy avant sa visite officielle dans le royaume ? Si cette hypothèse est la bonne, cela signifie que sa déclaration n’était pas une bévue, mais une manière de préparer l’opinion française à un nouvel échec du Rafale.
Reste à comprendre pourquoi le roi et ses conseillers ont été amenés à préférer le F-16 au « formidable » avion français. La raison en est simple : ce dernier est trop cher, en investissement comme en fonctionnement. D’une part, parce que c’est un biréacteur. De l’autre, parce qu’il a été développé et « industrialisé » par un seul pays, en nombre forcément très limité, et que son coût ne peut être amorti.
Avoir deux réacteurs puissants contribue largement à rendre le Rafale « formidable ». Cela lui permet de monter à la verticale en accélérant : le rêve de tout pilote de chasse amateur de sensations fortes. Le problème est de savoir à quoi sert de monter aussi vite. Longtemps, le fait de posséder une vitesse ascensionnelle importante fut une qualité essentielle des avions de défense aérienne. Face à des bombardiers volant à haute altitude, il fallait monter très vite pour les intercepter avant qu’ils aient atteint leurs cibles. En outre, face aux chasseurs escortant ces bombardiers, il fallait disposer de beaucoup de puissance pour gagner les « combats tournoyants », qui, à l’époque, se terminaient généralement par des tirs de mitrailleuse ou de canon.
Si les missiles n’avaient pas été inventés, la surpuissance du Rafale serait parfaitement justifiée. Mais aujourd’hui, l’important est d’avoir le meilleur radar, celui qui voit le plus loin ; d’être capable de traiter le maximum de cibles simultanément ; et, surtout, de disposer du meilleur missile, celui qui tire le plus loin et résiste le mieux aux leurres de l’adversaire. Or, dans ces domaines, le Rafale n’est pas « formidable ». Non en raison de l’insuffisance des ingénieurs français, mais tout simplement par manque d’argent. Le programme Rafale coûtant déjà aux contribuables français la bagatelle de 32 milliards d’euros, il n’y a plus de financement disponible pour maintenir en permanence l’appareil au niveau en matière d’équipements.
Les Américains ont, semble-t-il, proposé trente-six F-16 à un prix inférieur à la première proposition française pour dix-huit Rafale. Les Marocains sachant fort bien que l’entretien des réacteurs représente une part considérable du coût global de l’heure de vol - et que, bien sûr, plus il y a de réacteurs, plus la facture est salée -, ils ont très intelligemment demandé à la France une nouvelle proposition prenant en compte la maintenance des appareils. Après quoi, ils ont reculé devant le prix.
À noter également qu’un biréacteur dispose d’un rayon d’action plus réduit. Plutôt que de voler avec deux réacteurs à puissance très réduite, mieux vaut le faire avec un unique réacteur - à mi-puissance, par exemple - et remplacer le poids du réacteur absent par du carburant.
À court terme, Mohammed VI aurait assurément rendu service à l’industrie aéronautique française en commandant des Rafale. À longue échéance, il n’est pas exclu qu’il lui ait rendu un service encore plus grand. À condition que ses responsables tournent vite la page du Rafale, comme ils ont su le faire pour le Concorde, et lancent rapidement, avec leurs collègues européens, un programme d’avion de combat monoréacteur à long rayon d’action. Alors, peut-être le Maroc sera-t-il le premier pays à commander cet avion « formidable ».
Pour certains, l’explication est simple : « c’est la faute à [Hervé] Morin ». En septembre, lors d’un colloque à Toulouse, le nouveau ministre français de la Défense avait en effet estimé que le Rafale était certes un avion « formidable », mais difficile à vendre. Tollé chez les industriels de l’armement et les spécialistes des questions de défense ! Chez Dassault, par exemple, on s’était déclaré « consterné ». Comme pour enfoncer le clou, Morin avait alors expliqué que les militaires français avaient un peu trop tendance à choisir des armes trop sophistiquées…
Il est vrai qu’il peut sembler suicidaire de reconnaître les difficultés d’exportation du Rafale au moment où les négociations avec le Maroc étaient, croyait-on, sur le point d’aboutir. Si Morin l’a fait c’est, sans nul doute, qu’il savait déjà que le projet était moribond, sinon mort et enterré. A-t-il tenté de dédouaner le président Nicolas Sarkozy avant sa visite officielle dans le royaume ? Si cette hypothèse est la bonne, cela signifie que sa déclaration n’était pas une bévue, mais une manière de préparer l’opinion française à un nouvel échec du Rafale.
Reste à comprendre pourquoi le roi et ses conseillers ont été amenés à préférer le F-16 au « formidable » avion français. La raison en est simple : ce dernier est trop cher, en investissement comme en fonctionnement. D’une part, parce que c’est un biréacteur. De l’autre, parce qu’il a été développé et « industrialisé » par un seul pays, en nombre forcément très limité, et que son coût ne peut être amorti.
Avoir deux réacteurs puissants contribue largement à rendre le Rafale « formidable ». Cela lui permet de monter à la verticale en accélérant : le rêve de tout pilote de chasse amateur de sensations fortes. Le problème est de savoir à quoi sert de monter aussi vite. Longtemps, le fait de posséder une vitesse ascensionnelle importante fut une qualité essentielle des avions de défense aérienne. Face à des bombardiers volant à haute altitude, il fallait monter très vite pour les intercepter avant qu’ils aient atteint leurs cibles. En outre, face aux chasseurs escortant ces bombardiers, il fallait disposer de beaucoup de puissance pour gagner les « combats tournoyants », qui, à l’époque, se terminaient généralement par des tirs de mitrailleuse ou de canon.
Si les missiles n’avaient pas été inventés, la surpuissance du Rafale serait parfaitement justifiée. Mais aujourd’hui, l’important est d’avoir le meilleur radar, celui qui voit le plus loin ; d’être capable de traiter le maximum de cibles simultanément ; et, surtout, de disposer du meilleur missile, celui qui tire le plus loin et résiste le mieux aux leurres de l’adversaire. Or, dans ces domaines, le Rafale n’est pas « formidable ». Non en raison de l’insuffisance des ingénieurs français, mais tout simplement par manque d’argent. Le programme Rafale coûtant déjà aux contribuables français la bagatelle de 32 milliards d’euros, il n’y a plus de financement disponible pour maintenir en permanence l’appareil au niveau en matière d’équipements.
Les Américains ont, semble-t-il, proposé trente-six F-16 à un prix inférieur à la première proposition française pour dix-huit Rafale. Les Marocains sachant fort bien que l’entretien des réacteurs représente une part considérable du coût global de l’heure de vol - et que, bien sûr, plus il y a de réacteurs, plus la facture est salée -, ils ont très intelligemment demandé à la France une nouvelle proposition prenant en compte la maintenance des appareils. Après quoi, ils ont reculé devant le prix.
À noter également qu’un biréacteur dispose d’un rayon d’action plus réduit. Plutôt que de voler avec deux réacteurs à puissance très réduite, mieux vaut le faire avec un unique réacteur - à mi-puissance, par exemple - et remplacer le poids du réacteur absent par du carburant.
À court terme, Mohammed VI aurait assurément rendu service à l’industrie aéronautique française en commandant des Rafale. À longue échéance, il n’est pas exclu qu’il lui ait rendu un service encore plus grand. À condition que ses responsables tournent vite la page du Rafale, comme ils ont su le faire pour le Concorde, et lancent rapidement, avec leurs collègues européens, un programme d’avion de combat monoréacteur à long rayon d’action. Alors, peut-être le Maroc sera-t-il le premier pays à commander cet avion « formidable ».
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